
La confusion est devenue si fréquente entre la construction du verbe « s’emparer » et celle du verbe « accaparer », que la forme (fautive, en principe) : *s’accaparer – ou, pire : *s’accaparer de quelque chose – finit par sembler presque normale. Elle le deviendra, d’ailleurs, si elle entre dans l’usage au point d’être reconnue comme telle par les dictionnaires.
Mais en attendant, peut-être est-il bon de rappeler que la seule forme pronominale du verbe accaparer qui soit correcte est la forme réfléchie, comme dans : « C’est ainsi que s’accaparent certaines marchandises », formulation impersonnelle, équivalent d’une tournure avec le pronom indéfini on : « C’est ainsi qu’on accapare certaines marchandises. » Quant à la forme transitive indirecte utilisant la préposition de, elle est tout à fait incorrecte et provient certainement d’un rapprochement erroné avec s’emparer de. On ne devrait donc pas dire ou écrire : *Elles se sont accaparées de cette question mais : « Elles se sont emparées de cette question » ou « Elles ont accaparé cette question ».
En dehors du cas précis de la tournure impersonnelle (« Certaines marchandises s’accaparent », etc.), que l’on ne rencontre que très peu, la construction pronominale n’a donc pas lieu d’être. *Ils se sont accaparé [ou même accaparés, en ajoutant à l’erreur de construction une faute dans l’accord du participe passé des verbes pronominaux] tous les bénéfices de cette opération devrait donc être formulé autrement : soit en utilisant une construction correcte d’accaparer : « Ils ont accaparé tous les bénéfices de cette opération » ; soit en employant le verbe (pronominal, cette fois), s’emparer de : « Ils se sont emparés de tous les bénéfices de cette opération. »
Notons enfin que le vers « T’accaparer, seulement t’accaparer » dans la célèbre chanson d’Alain Bashung, La nuit je mens – Bashung qui a par ailleurs chanté, dans Résidents de la République : *Un jour je courirai moins – est tout à fait correct.